La Esquina, c’est avant tout un coin de rue, un bon coin — et surtout pas un recoin. C’est une boutique qui sort du lot, qui se montre, saillante, offerte à tous les regards, à l’angle des rues Piquemil, Réclusane et du Pont Saint-Pierre.
Dans cette épicerie fine espagnole, le patron s’appelle Romain, un trentenaire à la stature imposante et aux manières de bon pote. Tour à tour barman, charpentier, maraîcher, ce Toulousain de mère aragonaise a ouvert La Esquina en 2013. Romain se définit comme un épicier et il aime « travailler ses produits », pour lesquels il a un véritable respect. Exemple : il refuse de couper le jambon Bellota à la trancheuse électrique. « Un Bellota, ça se tranche à la main ! Il y a un sens de découpe, un geste dans le fil du muscle, pour bien préserver la tendreté. »
Charcuterie, fromages, vins, bières et autres douceurs du pays de Cervantès : sur les rayons, les produits les plus basiques côtoient les produits d’exception. Les Espagnols nostalgiques installés à Toulouse viennent dans cette boutique authentique pour y faire leurs courses et tchatcher avec Romain dans leur langue natale : « Ils sont ravis de revoir le ColaCao de leur enfance. » Ils y retrouvent également des produits rares : des anchois de L’Escala, préparés en Catalogne et pêchés la nuit au lamparo — ou un turrón artisanal fabuleux, fabriqué par un villageois à l’ouest de Valencia, chez lui, à partir d’amandes marcona (la reine des amandes).
Le midi, on peut même venir y déguster des sandwichs « de la casa », préparés avec du bon pain du Panivore, une boulangerie voisine — probablement la meilleure de Toulouse. Des baguettes que Romain, par superstition, dispose toujours bien à l’endroit sur son plan de travail.
Avec son comptoir ouvert qui donne directement sur la rue, La Esquina s’ancre dans la vie du quartier et lui confère une saveur ibérique. Son client le plus fidèle, c’est José, la cinquantaine, d’origine andalouse, chaudronnier-soudeur chez Airbus, jovial, avenant, gentil et qui s’entend avec tout le monde. Il vient depuis le début, trois fois par semaine, pour bien manger et pour bien boire.
Romain est catégorique : « A Saint-Cyprien, les gens vivent ensemble et travaillent ensemble. Ils se connaissent, ils se saluent. C’est un vrai quartier, comme il n’en existe plus beaucoup. »
Photo by Studio le Carré
Texte by Jonathan Lagier
Site by Agence Novo