Damien Aspe est un artiste plasticien originaire de Toulouse. Cette année, il participe au mythique Printemps de Septembre, une exposition d’art contemporain présente depuis 30 ans dans le paysage culturel Toulousain. L’occasion de revenir sur sa pratique et l’œuvre pour le moins originale qu’il nous propose.
Génèse
Aspe commença par faire des études d’art plastique à la Faculté Toulouse Jean-Jaurès (anciennement nommée « Le Mirail »). Il faisait partie de la toute première promotion, et confie aujourd’hui que dans ce cadre encore un peu tâtonnant, il s’est un peu ennuyé. Passionné par la photographie, il décide que la meilleure façon de suivre cette voie est d’apprendre sur le terrain. C’est ainsi qu’il devient l’assistant du photographe Jean Dieuzède.
Fort de cette expérience, il se lance dans une carrière professionnelle. Il travaille dans la mode, la publicité pendant un temps, mais cela ne lui convient pas. Damien Aspe est un artiste, un passionné ; ce milieu n’est pas en mesure de nourrir son besoin de création. Un jour, il décide enfin de tout plaquer pour revenir à ses premiers amours.
Sa pratique se concentre sur la déconstruction de la photographie, en tant que médium du réel, pourtant progressivement dirigé vers ce qui n’est pas tangible ; le digital. À ce titre, il s’intéresse particulièrement à l’influence du numérique sur nos vies quotidiennes, et son inscription dans la durée.
Le Printemps de Septembre
Dans le cadre du Printemps de Septembre, Christian Bernard, le commissaire d’exposition, revient sur sa carrière, nous propose une expérience qui revient sur l’art en lui-même, sa fonction auprès du public et le grand pouvoir de réflexion qu’il permet. À l’ère du covid, nous repensons plus que jamais à redéfinir nos façons d’envisager le monde. Ainsi, il nous emmène dans une déambulation sur le devenir de l’art. Durant l’exposition, vous pourrez tomber sur trois façons d’envisager cette idée ; les artistes du domaine de l’imaginaire, ceux du réel, et ceux de l’histoire.
Dans un monde où l’art est à reconstruire, Damien Aspe se reconnait dans la dernière catégorie. Son œuvre l’Origine de l’art va puiser jusque dans l’origine de l’art, puisque Aspe choisit de prendre pour symbole une œuvre…d’il y a 500 000 ans.
À l’Isdat, vous pourrez voir sur une grande gravure sur un mur blanc. Un trait zigzagant, brut, malhabile, même. Ce que vous voyez, c’est la reproduction d’un trait gravé sur une coquille de moule. Cette même coquille a été trouvée par des archéologues lors de fouilles en Australie. Après des analyses au carbone 14, on découvre qu’elle a été faite à l’aide d’une dent de requin, par la main de l’homme, il y a plus de 500 000 ans. Une découverte de taille quand on sait que la plus ancienne trace de l’homme répertoriée datait d’il y a 140 000 ans !
S’agit-il alors de la première œuvre d’art ? C’est du moins le postulat de départ du travail d’Aspe. Cette ligne si particulière, il ne l’a pas vue sur le coquillage même, mais sur une reproduction en image de synthèse. On peut alors s’interroger sur le trajet de cette gravure. D’abord un coquillage, puis une image de synthèse, ensuite une gravure, reproduite ensuite par une machine pour apparaître enfin sur le mur blanc de l’Isdat. C’est un jeu d’aller-retour entre l’artisanal et le numérique.
Aujourd’hui, cette gravure est présente physiquement sur ce coquillage, sur ce mur, et virtuellement sur des serveurs ou des disques durs. Ces derniers, a durée de vie limitée, disparaîtront inévitablement. À l’heure où l’on ne jure que par la technologie, Aspe met à l’honneur une vérité humble ; le dessin le plus grotesque, s’il est tangible, peut vivre 500 000 ans.
Texte : Diane Devresse
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