« Si nous faisons cette action aujourd’hui, c’est pour exprimer notre colère »
Le vendredi 16 avril dernier, ils étaient un petit groupe à se diriger vers la station de métro Saint-Cyprien. On devinait derrière les masques des visages résolus, déterminés à ne plus laisser faire. Les affiches ne sont pas restées longtemps roulées sous les bras. Bien vite, elles ont servi à rebaptiser la station « La Grave aux riches : par la banque Kauffman & Broad et la mairie de Toulouse ».
Un message simple et percutant. Voilà ce que voulaient les membres de l’association DAL 31 Toulouse, une ONG qui défend le droit au logement.
Leurs quartiers, ainsi que ceux du centre solidaire Abbé Pierre, sont sur le site de l’hôpital la Grave, site qui a été vendu depuis peu au promoteur immobilier Kaufman & Broad.
L’association DAL31 a réquisitionné ces bâtiments inutilisés pour pouvoir loger les locaux de l’association, ainsi que quelque vingt-cinq familles en difficultés de logement. Entre les 4 salariés de DAL31, la tripotée de bénévoles et les familles concernées, cela représente environ une centaine de personnes occupantes de lieux. DAL31, proposait donc des structures pour apporter une aide sociale aux personnes en difficultés de logement. Cela peut inclure des groupes de paroles, des aides juridiques… en somme des ponts pour les personnes victimes de précarité.
Mais voilà, quand le CHU de Toulouse décide de vendre une partie de l’Hôpital La Grave à St Cyprien, cela comprend le Pavillon Nanta, occupé par DAL31.
Commencent alors près de deux ans de négociations pour essayer de trouver de nouveaux locaux. Les échanges semblent fructueux, il est même question de visites. Pourtant, en juin 2020, la communication se coupe brutalement avec la nouvelle municipalité. Quelque temps après, DAL31 reçoit une assignation au tribunal par le CHU et la mairie de Toulouse.
La conclusion amère d’une longue bataille pour préserver leurs quartiers.
En effet, une pétition en ligne, une conférence de presse, plusieurs manifestations n’auront pas changé le verdict : le 20 mai prochain, l’association DAL31 devra quitter les lieux.
« Virer les populations précaires du centre-ville […] en le transformant peu à peu en quartier d’affaires vidé de sa vie de quartier, de son foisonnement culturel et associatif. Cela s’appelle la « gentrification » publie DAL31 sur les réseaux sociaux.
« Une partie de l’hôpital La Grave est toujours en activité, explique Nina, membre de DAL31. Il y a notamment la Halte Santé, lieu de soins pour les sans-abris. Seulement, le CHU continue de vendre l’hôpital La Grave …».
Supprimer petit à petit les lieux qui permettent l’accueil des personnes précaires, c’est créer un rempart social autour du centre-ville. Cela fait encore plus sens quand les premiers délogés sont une association qui lutte contre le droit au logement ; un message clair quant à une certaine façon de gérer l’urbanisation toulousaine.
En réponse, les membres du collectif ont donc agi aussi, de façon symbolique. Ce vendredi, la station de métro Saint-Cyprien prit, l’espace d’une après-midi, un nouveau nom. Certes, il fut éphémère, mais bien lourd de sens.
Se réapproprier le métro, c’est rappeler à tous les voyageurs de la ligne A l’importance capitale des espaces dans lesquels nous vivons. Être privé de logement, c’est constamment être rappelé brutalement à cette réalité.
Photo : DAL Toulouse 31 sur Facebook
Texte : Diane Devresse
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